Enfermé·e chez toi à devoir travailler sans pouvoir sortir ou voir tes proches, la vie en temps de Covid peut être source de stress, d’anxiété et d’ennui. Peut-être que, pour te faire plaisir ou t’occuper, tu as augmenté ta consommation de cigarettes ou de cannabis. Mais attention, des risques d’addiction existent. Nous faisons le point avec des spécialistes.
D’après une étude de l’Association Addictions France réalisée en février 2021, la crise sanitaire a eu des répercussions sur la consommation de produits addictifs des Français. « Notre étude montre que les conduites addictives augmentent depuis le début de l’épidémie, notamment chez les plus précaires et les plus vulnérables », commente le docteur Bernard Basset, président de l’association. 1 consommateur sur 3 aurait augmenté sa consommation de tabac, cannabis et/ou médicament psychotropes pendant la première année de crise sanitaire. En toile de fond : un moral en berne. 56 % des Français déclarent que la crise et les restrictions imposées ont eu un impact négatif sur leur santé psychologique.
De plus en plus d’étudiants témoignent de leur mal-être
Parmi les populations les plus touchées on trouve les étudiants. Sur le compte Instagram @anxiétudessupérieures, leurs témoignages à propos de leur santé mentale défilent. Chacun parle de son anxiété, de ses angoisses, de son épuisement, de sa solitude et parfois, du retour de vieux démons : « J’avais arrêté la cigarette, j’ai racheté un paquet pour la première fois depuis 6 ans. J’ai une bouteille d’alcool dans mon frigo pour pouvoir oublier le soir, sinon je ne dors pas, je fais des cauchemars », témoigne une jeune fille.
En 2023, le dernier baromètre des addictions Ipsos/MACIF révèle que le moral des 16-30 ans n’est toujours pas au beau fixe. A retrouver dans notre article cidj.com : Crise sanitaire et jeunesse : des comportements à risques qui perdurent
La crise sanitaire a exacerbé les inégalités
« Les réactions face à la crise dépendent cependant beaucoup des ressources de chacun, avec qui et comment ils ont réussi à passer le confinement. Cette crise a exacerbé les inégalités. Ceux qui étaient seuls et isolés se sont retrouvés encore plus seuls et ceux qui étaient bien entourés ont pu s’adapter », explique le docteur Mario Blaise, chef de service en addictologie à l’hôpital Marmottan de Paris.
Augmentation des consommations ne signifie pas addiction
Cependant, Mario Blaise souligne : « Même s’il y a moins d’occasions de consommer, notamment d’alcool, il y a tout de même chez certains une augmentation de la consommation, mais pas forcément d’addiction. Néanmoins, bien sûr que plus on consomme, plus le risque d’addiction est élevé. » De plus, les chiffres révèlent des situations très différentes. Ainsi, en ce qui concerne la consommation de cannabis, l’étude de l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanie) a révélé que pendant le 1er confinement les usagers occasionnels avaient dans 80 % des cas totalement arrêté, tandis que ceux qui fumaient tous les jours ou toutes les semaines ont continué, parfois même ont augmenté leur fréquence de consommation. Mais surtout, cette assignation à résidence forcée a fait passer le nombre de consommateurs fumant seuls, et donc plus à risque d’addiction, de 6 % à 39 %.
La fréquentation des jeux en ligne en forte augmentation
Parmi les conduites addictives également en forte augmentation : les jeux d’argent et en particulier le poker en ligne. L’ANJ (l’Autorité National des jeux) a recensé plus de 500 000 comptes de joueurs de poker actifs par semaine en moyenne au 2e trimestre 2020, contre 264 000 l’année précédente. Parmi les joueurs, la présence des 18 à 24 ans explose ! « Les jeunes passent davantage de temps sur les écrans pour travailler. Mais après leurs cours en ligne, ils restent devant leur ordinateur. Les publicités pour les jeux et les paris en ligne pullulent sur Internet. Ces sites vous font miroiter de l’argent facile et immédiat. Parfois, vous pouvez même démarrer sans débourser un centime. La plupart sont gratuits à l’installation. Au départ, en peu de temps et d’effort, vous êtes vite récompensé. C’est très valorisant. Mais plus le temps passe, plus il faut investir de l’énergie et de l’argent pour gagner », analyse Nicolas Bonnet, addictologue et responsable de la consultation jeune consommateur de la Pitié Salpétrière.
Et pourtant les chances de gagner sont minimes !
Ces rêves d’argent facile ont pourtant peu de chance de se réaliser. Ainsi, dans un rapport de 2019, l’ANJ a donné quelques chiffres intéressants : 85 % des joueurs ont été perdants et en ce qui concerne les paris sportifs, seulement 1,5 joueur sur 10 000 a gagné́ plus de 12 000 € (1 000 € par mois). Ces chiffres montrent bien que le gain est exceptionnel et qu’il est faux d’affirmer ou de laisser penser qu’il est facile de gagner avec ces jeux en ligne.
Pour mieux comprendre le fonctionnement des jeux d’argent, notre article Pourquoi tu seras toujours perdant, décrypte les mécanismes des opérateurs pour t’inciter à jouer et donc à perdre.
Les réelles répercussions de la crise se verront d’ici quelques mois ou années
Rassure-toi, tu ne tomberas pas forcément dans une addiction après cette crise, même si tu as augmenté ta consommation. « Nous avons vu des réactions très diverses et parfois inattendues. Certains, qui semblaient fragiles, ont su se ressaisir alors que d’autres se sont retrouvés très isolés et angoissés. Mais nous sommes encore en pleine crise, et c’est loin d’être fini. Nous en verrons les répercussions réelles dans les prochains mois, voire années » conclut Mario Blaise.
Et toi, où en es-tu dans ta consommation de cigarettes, de drogues ou d’alcool ?
Tu peux évaluer ta consommation sur le site d’Addiction France : https://addictions-france.org/les-addictions/ma-consommation/
Si tu sens que tu plonges, prends rendez-vous dans un centre gratuit et anonyme partout en France
Auteur : Valérie François / CIDJ / avril 2021